Sans vouloir réduire le talent de Luke Elliot, on pense à Lee Hazlewood, Burt Bacharach ou aux Tindersticks. Une chose est sûre, notre homme sait tourner une chanson et il ne craint pas d'orchestrer son affaire à l'ancienne avec une belle amplitude. La mélodie portée par sa voix de crooner dessalé est imparable. Son handicap ? Luke est un artiste out of time. Dès lors, sera-t-il condamné aux salles confidentielles et aux échos navrés de quelques happy few qui se refilent ses (deux) albums comme des mots de passe ? En Norvège, il est très respecté. Je crois savoir qu'en Italie également. Cet amateur du beau et du tragique ne sera pas invité par les festivals des arts moches où la laideur, l'affligé et le minimalisme opportuniste le plus navrant triomphent sur scène et off. Heureusement, ai-je envie d'ajouter. On lui souhaite le meilleur partout ailleurs sans avoir à se teindre la mèche en rose, revendiquer un non-genre ou brailler pour ceci ou contre cela. (soupir) Pour le reste, comme il le chante Let ‘em All Talk.
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Pour moi, le grand WC Field fut à Hollywood une incarnation du père Ubu*. A propos de la descendance, il déclara : un homme qui déteste les enfants ne peut pas être fondamentalement mauvais, une affirmation qui rappelle l'anecdote savoureuse concernant Alfred Jarry. Un jour de désespoir et/ou de folie éthylique, le créateur d'Ubu se mit à tirer à balles réelles dans son jardin. La voisine, affolée, lui lança "Monsieur Jarry, arrêtez je vous en prie, vous risquez de tuer un des mes enfants !". Imperturbable, l'écrivain répondit à la voisine : chère Madame, si ce cas navrant devait se produire, je me chargerais de vous en refaire d'autres.*Comme le seront les créations de Jean-Christophe Averty pour l'ORTF dans les années 60.Ubu par Averty, la version intégrale (1965)Sur la photo de studio, Mister Field est cerné par Dorothy Lamour, Martha Raye et Shirley Ross.(Source scan : Dr Macro. J'ai la flemme de coller le lien.)0
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Pour15minutes est aussi un blog à voir. Un hommage en images au Samouraï.Sur l'homme et l'acteur, je viens de relire le récit sobre, fin et enlevé de Jean-Marc Parisis, Un problème avec la beauté - Delon dans les yeux édité chez Fayard en 2018. A propos du Guépard :Des mois de tournage du côté de Palerme, quarante-huit nuits à filmer un bal dans un Palais Gangi éclairé aux chandelles d'une cire résistant à la chaleur des projecteurs, cent cinquante décorateurs, à peine moins de maquilleurs, de coiffeurs, cinquante fleuristes, des maîtres d'armes et des professeurs de danse pour le maniement des escopettes et les pas de mazurka, des meubles et des objets d'époque, des rues repavées, des façades rénovées, et ce rouge clair des chemises garibaldiennes obtenu après trempage dans du thé et séchage au soleil. (...) La magnificence du Guépard relevait d'un cinéma absolu, voué à disparaître en Europe, à devenir l'apanage des Américains. A 26 ans, après cinq ans de carrière, Delon en vivait les derniers feux, le pressentait peut-être. Un grand rôle dans l'un des derniers classiques européens.Sur ma B.O., la belle reprise par Françoise Hardy et Alain Delon de Modern Style, une composition de haut vol signée Jean Bart. Des talents conjugués pour tenir la laideur et la bêtise à bonne distance.Que devient Jean Bart, ce dandy genevois trop discret, que j'avais rencontré pour une émission radio ? Ici, les meilleurs se taisent et laissent la place aux suceurs de subventions, aux opportunistes, aux faiseurs poussifs abonnés aux festivals "entre-eux".0
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Enfourcher sa Motosacoche, tailler la route. Roger Nimier affirmait que rien ne vaut une pointe de vitesse pour affiner les sentiments. Laisser loin derrière les scories, les mensonges et les trahisons - petites, misérables, procédurières - qui empuantissent l'air de cette ville très moyenne. Un programme : dissidence et chemins de traverse.Quand le temps sur Genève devient trop lourd, il faut dégager. Pour ça, rien ne vaut un séjour marin ou alpin. Le grand large - plein Ouest - ou l'altitude - les hautes Alpes - pour évacuer les miasmes répandus par de vieux adolescents aigris et ratés, ces pétochards sans talent qui jalousent les compétences de ceux qui ont réussi leur vie.Oui, je suis vraiment bien à la retraite.I'm Moving On par John Kay&Run Run Run par The Gestures0
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En (re)lisant les Mémoires et les biographies des dandys au regard froid - Alain "Punk" Pacadis, Yves "Novö" Adrien, Guillaume Serp voire Mirwais*... - tels qu'ils s'affichaient à la fin des 70s et au début des 80s, je me demande encore s'ils étaient vraiment aussi détachés qu'ils l'affirmaient alors. Une pose contre l'inévitable et invincible solitude de ceux qui sav(ai)ent que les dés étaient/sont pipés ? (rien n'a changé.) Un artifice pour masquer la peur ? Une façon de botter en touche ? Joy Division aux Bains-Douches mais Aretha Franklin ou Zarah Leander au bout de la nuit pour ne pas hurler dans des draps très froids.* A cette liste, on pourrait ajouter l'écrivain Roger Vailland dont la trajectoire singulière fut magnifiquement rapportée par Yves Courrière dans sa biographie au long cours Roger Vailland, un libertin au regard froid. (Plon, 1991) J'ai failli oublier les formidables Mémoires d'une fripouille de George Sanders à qui j'avais consacré un billet il y a... hum... Avant. ;)5
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Il y a quelques saisons, Jason Isbell et son complice Sadler Vaden (guit. et vocals) offraient sur KEXP, la meilleure radio rock'n'roll de la toile* établie à Seattle, une séquence acoustique belle à fendre les cœurs les plus blindés. Leur reprise de REM Driver 8 est étourdissante. Deux voix, deux guitares, à l'ancienne...Rappelons une fois encore que les songwriters nord-américains n'ont pas peur de chanter. Haut, juste et fort. S'ils assurent aussi bien les vocals (ou choeurs), c'est parce qu'ils aiment ça depuis tout mômes quand ils ont empoigné leur première guitare pour reprendre des classiques du blues, de la country ou du rock'n'roll devant la cheminée ou un feu sur une plage. Ensemble, en choeur. Ici, Grande-Bretagne exceptée bien sûr, c'est comme si on s'excusait de chanter. On susurre, on feule, on chantonne en dedans. Certains ont même fait de jolies carrières sur le murmure mélodique : Daho, Birkin, Chamfort et leurs émules. Je leur préfère des voix qui n'ont pas peur de s'affirmer. Alain Bashung, imprégné des standards anglo-saxons, chantait sans s'excuser lui. Murat aussi même si l'en-dedans l'a parfois un peu contaminé.On peut se moquer du folklore feu de camp; sans lui, pas de Byrds, REM, Bangles, Plimsouls et Jason Isbell.* Si on a encore quelque chose entre les esgourdes.(Capture d'écran : Blackmilk Studio, une boîte qui produit des courts-métrages de SF dérangeant réalisés avec soin.)0
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