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The Needles, A.S. Dragon, Jean-Louis Murat et Johnny H ont (eu) en commun la basse inspirée de Fred Jimenez qui a grandi et fait ses premières gammes à Genève. Dans un récit enlevé publié Au Cherche Midi, il raconte comment, soutenu par son complice Yarol Poupaud et coaché par sa femme, il fut durant plusieurs tournées le bassiste et contrebassiste de Johnny Hallyday. Pour un ex kid rockeur de la banlieue genevoise, c'est un beau parcours, sans compter que sur un CV, ça vous pose son homme !Le style est sobre, direct et efficace. Quant au ton, piqueté d'un humour ravageur, il égratigne le milieu parisien du showbiz' sans incendier gratuitement ses acteurs. Fred est doté d'une âme bienveillante. Pour s'en rendre compte, les premières lignes de Johnny H. et moi :"Je suis sorti de la bouche de métro d’un pas décidé, j’avais un rendez-vous important, un entretien d’embauche pour le poste de bassiste de la prochaine tournée de Johnny Hallyday. Gilbert Coullier, le patron de Gilbert Coullier Productions, m’attendait en personne : il allait falloir jouer serré et ne pas rater mon coup, moi qui sortais de nulle part…J’avais débarqué à Paris dix ans plus tôt, à la toute fin des années 1990, et Bertrand Burgalat m’avait mis le pied à l’étrier au sein du « groupe maison » de son label Tricatel, A. S Dragon. Pendant ces premières années, j’avais participé à de nombreuses sessions d’enregistrement pour le label, à des concerts de Tokyo à New York en passant par Moscou ainsi qu’aux mythiques tournées française et allemande de Michel Houellebecq.Par la suite, j’étais parti sur la route avec Jean-Louis Murat avec qui j’avais noué une solide amitié et enregistré plus de huit albums. J’avais beau être un musicien confirmé, je ne faisais malgré tout pas partie du sérail, de l’élite ! J’avais bien compris qu’à Paris le milieu des musiciens professionnels répondait à des règles bien particulières et que pour un poste aussi important les places étaient très chères.Ayant grandi à Genève, bastion calviniste, j’avais ce vilain défaut, très courant par là-bas, de constamment me rabaisser. Tout l’édifice musical reposant sur le bassiste, ma femme m’avait coaché pour que j’aie l’air sûr de moi, que je ne me dénigre pas et, surtout, que j’inspire confiance.J’attendais à la réception, remonté comme un coucou, prêt à en découdre. Gilbert est arrivé et m’a fait entrer dans son bureau.Bronzé, la soixantaine, cheveux blancs abondants et bien coupés, une tête à vendre des Mercedes sur la Côte d’Azur… Surtout ne pas réfléchir !Il a attaqué : « Bonjour, Fred, comme tu le sais, tu es pressenti pour être le bassiste de la prochaine tournée de Johnny mais je ne te connais pas. Alors, avec qui as-tu joué ? »Ma réponse est sortie du tac au tac : « Avec tout le monde ! »Moi-même, j’étais surpris, lui aussi… Il a tiré une drôle de gueule. Surtout, ne pas réfléchir ! « Ben, oui, j’ai travaillé pour Astérios, 3C… »Et j’ai énuméré toutes les boîtes de production parisiennes. Du coup, il m’a interrompu :« Ha ha, mais tu n’as jamais travaillé pour Gilbert Coullier Productions…— Oui, c’est vrai, j’ai concédé, et ce sera une première. »Ensuite, il a embrayé : « Tu sais, Fred, les répétitions se dérouleront aux États-Unis, à part Yarol, il n’y aura que des musiciens américains et… »Et là, je l’ai interrompu : « Alors là, je t’arrête tout de suite, Gilbert, je suis totalement bilingue. »S’ensuivit un long silence pesant, à défaut d’une mouche voler, on entendait le ronflement de son ordinateur.Il m’a dévisagé et j’ai eu le sentiment qu’il avait l’intention de poursuivre l’entretien en anglais. Mais il hésitait. Certainement que, comme la plupart des Français, il avait un fort accent. À ce stade, allait-il se ridiculiser ?S’il se lançait, j’étais mort… Surtout ne pas réfléchir !Il s’est alors levé d’un bond et a lâché : « Allez, suis-moi ! Je vais te présenter les gens de mon équipe ! »On a quitté son bureau. Le lendemain, je faisais jouer mon compte formation AFDAS et m’inscrivais à soixante heures de cours d’anglais intensif en individuel…"Fred Jimenez est l'invité de Philippe "Oh ! dis donc, raconte-nous un peu Johnny" Manœuvre.
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When Blondie came to Britain est le titre d'un documentaire pop et rock de belle facture diffusé en novembre dernier par la BBC que l'on peut maintenant apprécier en ligne. Le film raconte l'invasion glamour de Blondie en pleine furie punk et retrace les étapes vers la gloire du groupe au Royaume-Uni – depuis leur premier concert à l’Union des étudiants de Bournemouth en 1977 - jusqu’à leurs fracassants débuts à la télévision sur Granada TV grâce au légendaire Tony Wilson. La Grande-Bretagne alors en crise profonde tomba amoureuse du band dont la frontwoman charismatique, l'inégalable Debbie Harry, féministe subtile, savait utiliser les codes de la femme fatale/femme objet tout en étant sujet de sa carrière artistique et de sa vie. En résumé, Britain needed Blondie ! Enrichis d'images d'archives et du témoignage des acteurs de l'événement (musiciens, producteurs, public relation, etc.), le doc' donne aussi la parole à ceux qui firent réellement le succès du groupe, les fans britanniques dont certains masquent mal l'émotion qui les étreint à l'évocation de leur jeunesse perdue. Debbie et ses boys ont littéralement changé leur vie. Bref, une remarquable prod' télé qui réunit tout ce qu'on aime : pop musique, sexy people, cuir, glamour et rock'n'roll !Voir When Blondie came to Britain
Parmi les plaisirs de la retraite auxquels je ne renoncerais pour rien au monde, celui qui me ravit particulièrement consiste à repérer, en ligne ou dans la presse analogique spécialisée, des films documentaires pop au sens large - récits, portraits, évocations - éloquents, des docs que je regarde l'après-midi quand la maison reprend son souffle loin des échos pénibles de ce monde dévoyé. Je crois que c'est Bertrand Burgalat, les yeux toujours grand ouverts et les oreilles déployées, qui recommanda il y a quelques temps dans son excellente chronique mensuelle pour le vénérable Rock&Folk* le récit très bien documenté du débarquement sur les côtes britanniques du commando glamour new-yorkais Blondie en 1977.
* J'espère un recueil de ses chroniques publiées sous le titre Peu de gens le savent - Mon mois à moi.
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