Il avançait dans la vie en costard trois pièces rehaussé d'une cravate. Aux pieds, des bottines et un stetson posé sur le crâne façon gangster ou shérif en hommage à une Amérique imaginaire, la sienne. Pour se protéger d'un monde qu'il n'aimait pas, une paire de ray-ban filtrait les fâcheux et la laideur. Une Plymouth remplaçait le cheval, Jean-Pierre était moderne tout de même, son œuvre le prouve. Sa seule ambition : réaliser des films en homme libre. Mission réussie, Mister Melville.
Pour affiner la silhouette du réalisateur dessinée ici à gros traits, je vous invite à voir le portrait de bonne tenue de Cyril Leuthy,
Melville, le dernier samouraï visible jusqu'au 11 novembre.
En 1989, l'inégalé
Cinéma Cinémas consacrait une chronique au
réalisateur du
Cercle rouge.
Je ne crois pas me tromper en affirmant que Melville aurait abhorré cette époque sous surveillance constante, une époque où les créateurs doivent justifier leurs choix devant le tribunal "woke" qui siège en permanence en raison du nombre de dénonciations reçues. Dans son excellent roman Le voyant d'Etampes, Abel Quentin aborde ce thème brûlant. Il fait dire à son personnage - un prof d'Histoire contemporaine à la retraite - en passe d'être broyé par les procureurs "woke" sur les réseaux sociaux :
Peut-être Jeanne avait-elle raison, peut-être étais-je un connard blanc hétéronormatif, un beauf romantique barrésien épris de verticalité et de rapports de force, résidu antique d'une société inégalitaire et violente. Et quand bien même ? Je m'engageai sur l'A77. Bientôt c'était la Beauce, les champs de céréales qui s'étendaient à perte de vue de part et d'autre de la double bande bitumée. Elle avait bien changé depuis que Péguy l'avait célébrée.
Etoile de la mer voici la lourde nappe
Et la profonde houle et l'océan des blés
Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
Voici votre regard sur cette immense chape
Abel Quentin, Le voyant d'Etampes, éditions de l'Observatoire, 2021
PS : Un besoin de verticalité... Les deux autres exigences sont l'incarnation et la transcendance qui forment (ou dessinent) le triangle d'or de la création artistique.
Je consacrerai un prochain billet à mes récents coups de cœur littéraires. A+
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