En 1982, le Gun Club de Jeffrey Lee Pierce alors en état de grâce, sortait un des meilleurs disques de rock and roll de la décennie. Poisseux, hanté ET lumineux, ce fut un classique instantané. Lumineux ? Oui, grâce à
Mother Of Earth, ce superbe titre americana collé presque honteusement en fin de face B jugé trop country par les petits punks qui conchiaient le genre sans savoir qu'il était, avec le blues, l'autre source du rock. Aujourd'hui, le morceau est plébiscité par les internautes et ça n'est que justice. Il avait une longueur d'avance, l'impossible Jeffrey. Sur l'album, le groupe de L.A. reprenait
Run Thru The Jungle de John Fogerty. Pour moi, c'est leur meilleur album. Durant dix ans, j'ai joué les disques du Gun Club à la radio, interviouvé ses membres historiques, bu des coups et pris de la dope avec eux. Ils incarnaient l'esprit du rock'n'roll, ce fantôme errant sur l'autoroute insipide du "new rock" calibré pour les rebelles à deux balles qui font aujourd'hui florès aussi authentiques que leurs tatouages. (en 2017, les anticonformistes ne sont pas tatoués.) Sur scène, le Gun Club était une expérience dangereuse car Jeffrey, frontman visionnaire hanté et contrarié par les bêtises des temps, était capable de tout et quand j'écris de tout, ça n'est pas une formule vaine. Ses compositions tiennent la route; mieux, elles ont pris un patine remarquable tout en conservant leur potentiel de subversion sonique. Les deux albums de reprises par Nick Cave, Mark Lanegan, Lydia Lunch, Debbie Harry et Cie le prouvent largement. Jeffrey, ce cousin américain talentueux, ce chien de prairie un peu barré nous manque à une époque de toutous à colliers cloutés.
Image : une réalisation du studio Manasse animé par Adorian and Olga Wlassics dans les années 20 à Vienne et à Berlin.
Source
Ajouter un commentaire