Pour les garçons de notre génération, il y eut de l'émerveillement à découvrir les romans de Michel Déon. Nous ne savions rien de la vie. Elle n'avait pas commencé. Nous avions dans les quinze ans. C'est l'âge idéal pour ouvrir Un taxi mauve, Les Poneys sauvage. Les perspectives changeaient. Nous pensions que notre avenir ressemblerait à ça, que nous aurions des destins fracassants, hors du commun. (...) Les livres de Déon furent notre cour de récréation. Nous y avons appris à jouer, à vivre, à aimer. La souffrance viendrait plus tard. De toute façon, on n'en parlerait pas. Appelons ça une morale. Elle en vaut bien d'autres. L'époque était rude, aussi. Les professeurs conseillaient Ivan Illich et Herbert Marcuse. Sur les tables basses, dans les salons, se récapitulaient L'Archipel du goulag, les Mémoires de Jean Daniel, les derniers entretiens de Sartre avec des maoïstes. A part nous, qui lisait encore des romans ?
Eric Neuhoff, Michel Déon, Editions du Rocher, 1994
Pour retrouver un peu de l'air respiré par les noctambules du Paris des années 50, (r)ouvrez Les Gens de la nuit, un roman de Michel Déon publié en 1959 qui vient d'être réédité à la Table ronde avec un chouette bandeau de Loustal. Dans ce roman "vrai", le confident de Coco Chanel, l'amoureux des îles et le hussard honoraire de la bande à Nimier raconte ses rondes de nuit dans la capitale française qui souffrait encore des séquelles de la Seconde guerre mondiale. Sur fond de jazz hot et de querelles idéologiques entre les partisans de l'engagement politique et les jeunes - et moins jeunes - écrivains qui préféraient pratiquer la littérature buissonnière, Michel Déon rappelle que tendres furent ses nuits.
Vers un extrait choisi.
Photo: Paris la nuit par Brassaï
Ajouter un commentaire