
Contre vents nauséabonds et marées poisseuses, je m'efforce tant bien que mal de tenir la ligne fixée à la création de
pour 15minutes d'amour : essayer, dans la mesure du possible, d'évoquer des créateurs*, connus ou moins, dont j'apprécie le travail artistique, historien, médiatique, voire plus rarement, politique. Cette exigence implique de parler le moins possible des artistes comptant pour rien, mais aussi des incompétents et des opportunistes au talent réel inversement proportionnel à l'arrogance immense qui peuplent les structures de pouvoir dans les milieux culturels et médiatiques du
service public, c'est-à-dire, il faut le répéter encore et encore, d'institutions et de médias financés par
nous.
Vous vous doutez bien que ce cap est dur à tenir tant l'actualité est régulièrement pleine des (mé)faits d'imposteurs cooptés, planqués et protégés derrière le flou de cahiers des charge taillés sur mesure pour ces béni-oui-oui par leurs supérieurs soucieux de
durer à n'importe quel prix** et, hélas aussi, derrière la lâcheté générale qui imprègne le climat de structures lentes et lourdes où ces mêmes chefs frissonnent à la seule idée d'un conflit possible et sont incapables de le gérer quand il explose, comme on a pu le constater ces jours-ci.
Certains responsables de la radio romande impliqués dans la navrante affaire des fichiers pédophiles téléchargés par un cadre
intermédiaire et corporate - je ne me lasse pas de cette appellation :) - sont les mêmes que ceux qui, il y a une petite dizaine d'années, nous ont traités comme des chiens lors du déménagement de la radio suisse romande à Lausanne après la fermeture, sans aucune élégance ni souci de mémoire, des studios de Genève. Ces individus ont eu alors beaucoup de chance. Pourquoi ? Parce que celles et ceux qui avaient faire montre d'indépendance et d'esprit critique, celles et ceux qui ne passaient pas leur temps de travail à arpenter les couloirs et les séminaires avec la bonne boîte de cirage, celles et ceux qui ont pris de vrais risques personnels et professionnels pour donner de l'épaisseur à leur travail, celles et ceux qui n'ont jamais méprisé l'auditeur, celles et ceux qui avaient créé et animé jour et nuit une radio en y insufflant un air neuf, et bien ces collaborateurs n'avaient pas encore accès aux possibilités actuelles du multimédia en ligne. Car imaginez un peu l'agitation qu'aurait pu déclencher le petit groupe soudé par des années de passion partagée - faire de la radio en direct - et par l'injustice sur un simple blog collectif ne dépendant que de notre besoin de communiquer, sans étouffoirs financiers ou
corporate. En 1998-2000, on ne pouvait pas, je veux dire techniquement, ouvrir un blog ou une radio libre en ligne aussi aisément qu'aujourd'hui. Car vous n'êtes tout de même pas naïfs au point de croire que l'affaire des fichiers est la première tentative d'étouffement d'une vilenie à l'interne ?! Malheureusement pour l'auditeur qui paie toujours la facture, on sait que les petits et grands incompétents en Suisse romande - comme partout ailleurs dans le service public - ont toujours la "chance" de ceux qui, n'entreprenant jamais rien directement qui pourrait nuire à leur carrière et à leur corporation, ont appris à surfer sans faire trop de vagues sur les aventures et les risques pris par celles et ceux qui sont, eux, sur le terrain. Alors, c'est bloqué, fichu, bouché ? Pas si sûr, car comme disent des amis africains, "Tu as bien mangé pendant toutes ces années; maintenant il faut payer." Et moi, j'ai toujours la naïveté de croire qu'il y a une justice.
* Musiciens, cinéastes, écrivains-écrivants, mais aussi animateurs de blogs, d'espaces de débats, webmasters inspirés, etc; bref, tous ceux qui tentent de faire de leur quotidien quelque chose de pas ordinaire.
** Il y a des années sur le plateau d'un débat télévisé, le comédien Carlo Brandt évoqua une pratique de tribus amazoniennes pour choisir un chef : les prétendants doivent tenir le plus longtemps sur un siège percé au dessus de braises; le plus courageux et le plus résistant devient le chef jusqu'à la prochaine cérémonie. On devrait s'inspirer de cette pratique pour trouver les responsables dans le service public.
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