
Quand un écrivain
nord-américain ouvre son manuscrit en chantier ou son ordinateur, c'est bien sûr pour faire son boulot et le mieux possible. Mais, contrairement à ses homologues francophones qui font quasiment tous, consciemment ou non, le complexe de l'héritage littéraire, l'auteur US ne craint pas de recevoir toute la littérature anglo-saxonne qui l'a précédé sur le coin de la tête en commençant un nouveau texte. L'écrivain francophone, lui, part avec un sacré (auto-)handicap : devoir justifier son œuvre face à celles des monstres sacrés de sa bibliothèque. C'est une posture très inconfortable qui finit inévitablement par grignoter une bonne partie de sa marge de création. (On peut d'ailleurs se demander si l'enseignement universitaire francophone n'est pas aussi en partie responsable de cette hantise autocritique chez les gendelettres actuels. Je conserve des pesantes exégèses en métalangage mandarinal sur Proust ou Rimbaud un souvenir, hum, plus que mitigé. On devait régulièrement se pincer pour ne pas piquer du nez durant ces cours assommants. Là encore, contrairement aux facs américaines, on n'apprend pas aux étudiants en lettres à bâtir un récit solide et à travailler son style; dans nos amphis et séminaires, on n'aborde la littérature que par la critique - et la métacritique - au détriment du plaisir du texte.)
Voilà pourquoi depuis une vingtaine d'années, mes gros coups de cœur littéraires - romans, récits, auto-fictions - sont allés et vont encore, en vrac, à James Ellroy, Nick Tosches, Charles Bukowski, Chuck Klosterman, Jim Harrison, James Crumley, les romans de jeunesse de Truman Capote, etc. Quand j'ouvre un de leurs bouquins, je n'ai pas l'impression de lire une fois encore les excuses et les justifications de ne pas être le nouveau Faulkner, le prochain Melville ou la fille de Flannery O'Connor.* Je crois qu'il ne faut pas chercher plus loin la vivacité et l'originalité des plumes américaines : elles ne font pas de complexes historico-littéraires, ce qui les rend plus libre, plus contemporaines. Je cherche encore l'équivalent en français d'un Michael Herr (
Putain de mort) ou même d'un Bret Easton Ellis.
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Flannery O'Connor est l'un(e) des auteurs favoris de Nick Cave. Il faut (re)découvrir ses livres beaux et terribles :
La Sagesse dans le sang (Wise Blood), Les Braves gens ne courent pas les rues (A Good Man Is Hard To Find), mon titre préféré ou encore
Et ce sont les violents qui l'emportent (The Violent Bear It Away).
A la recherche de Flannery Flannery O'Connor ne fut pas toujours l'écrivain sombre, malade et recluse de sa légende (DR)
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